Dans notre société postmoderne (Gilles Lipovestky, L’Ere du vide : Essais sur l’individualisme contemporain), l’affect est de plus en plus mis en avant et valorisé. Le « jouissez sans contrainte » a transcendé les clivages partisans et a embrassé la cause du consumérisme. Le nouveau paradigme économique repose davantage sur l’esprit d’appartenance à un clan et à un étalage ostentatoire de sa capacité à accumuler des biens onéreux.
On peut voir dans ce phénomène une sorte d’aboutissement d’une pratique intensive du marketing dans le quotidien du citoyen-consommateur. La société n’est plus une communauté, mais une somme d’individualités condamnées à se trouver soi-même et à se créer les limites de son propre monde. Les concepts d’envie et de besoin se mêlent avec ceux de droit et d’injustice.
Reprenant les techniques de manipulation des foules (in Serge Tchakhotine, Le viol des foules par la propagande politique), les services marketing flattent la tendance naturelle de l’Homme à tenir un rang et à convoiter le rang d’autrui. Inévitablement, un ensauvagement des individus s’ensuit, nous menant à l’actuelle situation : ‘un degré de violence et une rapidité de montée vers la haine’ inédit (cf. Pierre Bousquet de Florian, le coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme).
A la menace implicite d’ostracisme social que brandissent les lobbies en cas de non-respect de ces normes sociologiques créées par des théoriciens politiques (forme de prosélytisme s’épanouissant en réponse à « l’ère du vide », au sens de Gilles Lipovetsky), répond la création d’un nouvel entre soi social. L’effacement des barrières géographiques et l’anonymat rendus possibles par les réseaux sociaux permettent de renforcer une impression de nombre et d’impunité. A la dénonciation répond la provocation. A ces combats sociaux d’une violence inouïe répond un élargissement du champ politique.
Une injonction à être heureux et à donner du sens à sa vie condamnent l’ être charnel à la frustration perpétuelle. La place très importante des administrations publiques dans la vie des Français, une certaine infantilisation du consommateur et une déresponsabilisation de l’individu, incitent à revendiquer sans limite.
Le marketing politique et une confusion des registres troublent l’espace public et privé. Chaque souffrance individuelle ou collective est l’occasion de pointer un bouc-émissaire ou un complot et tend à déculpabiliser celui qui n’arrive plus à poser les limites de son propre monde.
Certains politiciens appellent à prendre la quasi-totalité des biens et des revenus des plus riches afin de les « redistribuer » en omettant de faire un minimum de pédagogie dans le domaine de l’économie. Le patrimoine est pris comme une donnée brute, ignorant ses origines et ses retombées. Cette simplification coupable, prônant l’égalitarisme, flatte les instincts primaires et développe les sentiments de jalousie et de frustration qui constituent le terreau de l’appropriation par la violence plutôt que par le travail.
La violence devient une réponse aux fragilités des êtres à l’aulne des constants changements de cadre social qui frappent notre époque, à une crise de confiance, à une rupture du contrat social liée à une perte de légitimité des représentants, à un relativisme délétère et à une balkanisation du corps social qui mine le besoin et l’envie de « faire Nation. »
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