Vote du budget de la Sécurité sociale : Attention à ne pas scier la branche sur laquelle repose le modèle social français !

29 octobre 2024

14 milliards d’euros d’économie. 

Lors du vote du budget de la Sécurité sociale pour 2025 qui démarre à l’Assemblée Nationale, les députés vont devoir trouver 14 milliards d’euros d’économie. Le gouvernement a fait des propositions. Les différents groupes politiques vont essayer de faire voter des amendements correspondant à leur prisme politique « faire payer les riches », « faire payer les étrangers »…
Mais attention à ne pas confondre économie à court terme et réforme utile au pays.

Le modèle social français repose sur le remplacement des générations

Dans une note d’avril 2021 « Démographie : la clef pour préserver notre modèle social »1, François Bayrou expliquait très bien que la France a choisi un modèle social, à peu près unique au monde, qui donne à la population active la responsabilité essentielle de la solidarité nationale. Sans actifs en nombre suffisants, pas de retraite pour nos aînés, pas d’école gratuite pour nos enfants, pas d’allocation conséquente pour les chômeurs, pas de santé quasi gratuite pour tous.

Pour autant, depuis 2010, la natalité ne cesse de baisser en France : il est né en 2023 678.000 bébés en France contre 832.799 en 20102. En 13 ans, la France a perdu quelque 20 % de ses naissances. Cette baisse très importante est à relier à un ensemble de décisions prises sous François Hollande et jamais corrigées sous Emmanuel Macron : baisse répétée du quotient familial, modulation des allocations familiales, réforme à la baisse du congé parental, baisse des aides pour les modes de garde, non-remplacement d’un grand nombre d’assistantes maternelles partant à la retraite… Les seuls efforts faits en faveur des crèches n’ont pas suffi à endiguer le repli du nombre des naissances. Rien ne s’arrange en 2024 où la natalité est encore en baisse de 3 % vs 20233.

Une absence de politique familiale au détriment du modèle social français

Loin d’améliorer les choses, le PLFSS (Projet de Loi de Finances de la Sécurité sociale) pour 2025 ne prend pas la moindre mesure en faveur des familles, mais confirme la nouvelle baisse décidée en 2023 des aides aux modes de gardes (CMG) qui impactera quelque 40 % des familles ayant de jeunes enfants4.

Plus grave encore, on entend çà et là des députés « bien intentionnés » proposer de nouvelles mesures pouvant encore aggraver la baisse la natalité : 

  • Suppression du congé parental long : ceci nuirait gravement aux 200.000 familles qui utilisent encore ce mode d’accueil de l’enfant ;
  • Suppression du quotient conjugal : ceci pénaliserait fortement les familles dont les revenus des deux parents ne sont pas identiques ;
  • Suppression de la réduction d’impôt pour les emplois à domicile : cette mesure augmenterait massivement le coût de la garde à domicile individuelle ou partagée pour les familles qui y ont recours. L’impact serait réel aussi pour ceux qui ont recours à quelques heures de femme de ménage. Sans parler de l’impact d’une telle mesure pour nos aînés souhaitant rester à domicile. Quant aux salariés qui travaillent pour des particuliers employeurs, ils pourraient se retrouver précarisées par de telles dispositions (non-déclaration ou sous-déclaration / travail « au gris »).

Soutenir les familles sans coûter cher aux finances publiques

Dès 2030, il va arriver moins d’actifs sur le marché du travail du fait de la baisse de la natalité de ces 13 dernières années. Pourtant, les Français ont encore un désir d’enfant supérieur au nombre d’enfants accueillis : 2,27 enfants souhaités contre 1,68 enfants qui naissent5.

Il est très dommage que les politiques publiques ne viennent pas soutenir les couples qui désirent des enfants, d’autant plus que certaines mesures favorables aux familles sont peu coûteuses pour les pouvoirs publics (amélioration du congé parental, recrutement d’assistantes maternelles beaucoup moins chères que les crèches pour les finances publiques, développement du « Right to Request » tel que le préconise l’Europe donnant de la flexibilité choisie aux salariés-parents sans impact important pour les entreprises, …).

En attendant que ces mesures de bon sens puissent être votées, il y a urgence à ce que les parlementaires n’adoptent pas des mesures à courte vue qui, en économisant à très court terme d’une main, scieraient à moyen terme la branche sur laquelle repose le modèle social français.

Sans soutien rapide de la démographie française, nul doute que les budgets des prochaines années chercheront encore quelles coupes budgétaires faire sur nos retraites, notre santé, les allocations chômage, …


Marie-Laure Gagey des Brosses

  1.  Documentation-administrative.gouv.fr – Note d’ouverture n° 5. Démographie : la clé pour préserver notre modèle social
    ↩︎
  2.  Source Insee
    ↩︎
  3.  À fin juin 2024, source Insee
    ↩︎
  4.  Cf. note d’impact sur la réforme du CFG dans le vote du PLFSS de l’an passé.
    ↩︎
  5.  Cf enquête de l’UNAF de 2023
    ↩︎